Les Barbares de Jean-Gabriel Périot

 

Après l'art délicat de la matraque en 2009, où il montait des séquences de violences policières sur fond de musique pop (This is not a love song), distanciant les images pour mieux faire adhérer les spectateurs à sa démarche, Jean-GabrieI Périot choisit de revenir à un montage d'images fixes avec Les barbares, ce qu'il n'avait pas fait depuis 2007 et 200000 fantômes. Point de distanciation dans ce nouveau film, mais bien de l'ironie, du dégoût et de la détermination. Périot prouve, s'il en était encore besoin, qu'il est bien un cinéaste engagé.

Les premiers plans sont des « photos de famille » de chefs d'États. Des familles souriantes, où rien ne dépasse, où les premières dames sont bien habillées, bien coiffées, bien maquillées. Les photos défilent par un processus de balayage, les photos officielles des gens de pouvoir de ce monde se succèdent, les grands se mêlent aux petits, puis ce sont les photos d'équipes sportives, de soldats, de mariages, de pom-pom girls, toujours en rang d'oignons, le sourire aux lèvres Le montage pourrait amuser si nous n'étions pas rappelés à l'ordre par la musique. Puis la lutte succède à la pose. La violence des manifestations et des révoltes se révèle en images fixes, où la plèbe de Brossat, dont une citation clôt le film, n'a pas de visage, car il est toujours masqué. Périot aurait pu choisir de montrer les défilés, innombrables, mais il leur préfère la casse, les incendies. Alors que les casseurs sont toujours stigmatisés par les médias qui les opposent aux vrais manifestants, Périot semble les défendre, et les réunit dans cette deuxième partie, quelles que soient leurs nationalités, quelles que soient leurs raisons et leur rage.

Alors que le principe du film semble clair et qu'il peut apparaître comme un simple exercice de style, le spectateur ne peut que s'interroger sur le véritable sens du montage de Périot. Sorties de leur contexte et associées sans commentaire, les images ne sont plus le reflet du monde tel que nous le connaissons. Le geste revient en provocation à la pose. La barbarie pourrait être celle des poseurs qui restent stoïques. Pour Périot, elle est plutôt ce qui nous reste d'humanité, ce qui nous fait encore dire non, même si c'est un non incendiaire.

 

Par Cécile Giraud
Bref Magazine, janvier 2011